

Sébastien Plénat
Directeur des Opérations pour le pôle de compétitivité BioValley France, Sébastien accompagne l'écosystème de l'innovation en santé dans le Grand Est et au-delà.
Avec son expertise approfondie du secteur de la santé et sa vision stratégique de l'innovation, Sébastien pilote les initiatives qui rassemblent entreprises, laboratoires de recherche et institutions pour développer les solutions de santé de demain.
Fort de son expérience dans l'accompagnement de projets collaboratifs d'envergure, il œuvre quotidiennement à renforcer la compétitivité de la filière santé française et à faciliter l'émergence d'innovations qui amélioreront la prise en charge des patients.
Aujourd'hui, il répond à nos 3 questions !
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'impact du digital dans votre secteur d'activité ?
Sébastien Plénat : "Le digital est un levier majeur d'innovation dans la santé. Il transforme les usages, accélère la recherche, facilite les collaborations et ouvre de nouvelles perspectives, notamment avec l'IA, les jumeaux numériques et la médecine personnalisée. Il modernise aussi les hôpitaux et leurs pratiques. C'est un moteur de compétitivité.
Ce qui me frappe le plus, c'est la vitesse à laquelle nous assistons à une convergence entre les technologies numériques et les sciences du vivant. Nous ne parlons plus seulement d'outils d'aide à la décision, mais de véritables partenaires intelligents qui transforment la façon dont nous concevons, développons et déployons les innovations de santé.
Prenez l'exemple de l'intelligence artificielle appliquée au diagnostic : elle ne remplace pas le médecin, mais elle lui donne des capacités d'analyse inédites. Nous pouvons accompagner des projets où l'IA permet de détecter des pathologies avec une précision qui dépasse parfois l'œil humain, tout en libérant du temps médical pour se concentrer sur la relation patient.
Les jumeaux numériques représentent également une révolution fascinante. Imaginez pouvoir simuler l'effet d'un traitement sur un patient virtuel avant même de l'administrer, ou tester des milliers de molécules in silico avant de passer aux essais cliniques. C'est exactement ce que permettent ces technologies, et cela transforme radicalement les cycles de R&D.
Mais ce qui m'enthousiasme le plus, c'est la démocratisation de l'innovation que permet le digital. Aujourd'hui, une start-up avec une bonne idée et les bons outils numériques peut développer une solution qui aura un impact mondial. Notre rôle, au sein de BioValley France, c'est justement de créer les conditions pour que ces innovations émergent et trouvent leur marché."
Quels sont, selon vous, les enjeux numériques que rencontrent le plus souvent vos clients / partenaires, et quel conseil pourriez vous leur donner ?
Sébastien Plénat : "Les principaux enjeux sont la gestion des données de santé (sécurité, interopérabilité, valorisation), la régulation (compliance RGPD) et l'intégration du numérique dans les modèles économiques. Mon conseil : s'entourer très tôt des bons partenaires technologiques et réglementaires, et intégrer le digital dès la conception du projet.
Ce que je constate parfois, c'est que des acteurs abordent le numérique comme un ajout, une couche supplémentaire à leur activité existante. Ca peut être une erreur ! Le digital peut souvent être pensé dès l'origine, intégré dans l'ADN même du projet.
La gestion des données de santé reste l'écueil majeur. Ces données sont à la fois le carburant de l'innovation et l'objet de toutes les vigilances. Il faut maîtriser trois dimensions simultanément : la sécurité technique, bien sûr, mais aussi l'interopérabilité pour que les systèmes communiquent entre eux, et enfin la valorisation éthique de ces données pour le bénéfice des patients.
Sur le plan réglementaire, c'est un véritable labyrinthe. RGPD, réglementation des dispositifs médicaux, normes ISO... Les entrepreneurs brillants sur le plan scientifique se retrouvent parfois démunis face à cette complexité. D'où l'importance de s'entourer dès le départ d'experts qui maîtrisent ces sujets.
Et puis il y a la question du modèle économique. Comment monétiser une innovation numérique en santé ? Comment convaincre les payeurs - Sécurité sociale, mutuelles, hôpitaux - d'investir dans ces nouvelles solutions ? C'est souvent là que les projets les plus prometteurs butent.
Mon conseil pratique : constituez dès le début une équipe pluridisciplinaire. Ne restez pas entre scientifiques ou entre techniciens. Associez juristes, économistes de la santé, spécialistes de la cybersécurité, et surtout des professionnels de santé qui seront vos utilisateurs finaux. Cette approche collaborative, c'est exactement ce que nous facilitons au sein de BioValley France."
A titre personnel, quel outil, réflexe ou approche digitale avez-vous adopté et que vous recommanderiez à d'autres professionnels ?
Sébastien Plénat : "J'utilise beaucoup les outils numériques qui me sont essentiels étant à distance. Ceci étant, le numérique doit être perçu comme un outil, et non pas comme une finalité absolue, au même titre que l'IA. Mon conseil : utilisez les outils numériques de manière opportune, mais pas de manière systématique.
Cette approche 'distance' m'a en fait beaucoup appris sur l'efficacité digitale. Quand on ne peut pas se déplacer physiquement pour chaque réunion ou rencontre, on devient très exigeant sur la qualité des outils qu'on utilise. J'ai développé une véritable expertise des plateformes collaboratives, des solutions de visioconférence avancées, des outils de partage de documents en temps réel.
Mais l'enseignement principal, c'est que le digital ne doit jamais être un prétexte pour éviter l'humain. Au contraire, il doit le servir. Quand j'organise une réunion en visioconférence, je m'assure qu'elle soit plus dynamique, plus interactive qu'une réunion classique. Nous pouvons parfois utiliser des outils de brainstorming collaboratif, des sondages en temps réel, des espaces de travail partagés.
Ce qui me guide, c'est une règle simple : chaque outil digital que j'adopte doit soit me faire gagner du temps, soit améliorer la qualité de mes interactions professionnelles. Si ce n'est ni l'un ni l'autre, je l'abandonne.
L'IA, par exemple, je l'utilise pour automatiser certaines tâches répétitives - veille technologique, première analyse de documents, préparation de synthèses. Mais jamais pour remplacer la réflexion stratégique ou les échanges humains qui font la richesse de notre métier.
Mon conseil aux professionnels : expérimentez, mais gardez toujours en tête l'objectif final. Le numérique n'est pas une fin en soi, c'est un moyen d'être plus efficace, plus créatif, plus connecté avec ses partenaires. Et surtout, n'hésitez pas à déconnecter régulièrement. L'inspiration naît souvent dans les moments de pause, loin des écrans."